Terminé - Du calme ? [ Ren ]

Une fois de plus Ryusuke avait failli s’endormir sur son banc. Non pas que le cours soit vraiment ennuyant – même s’il était quand même – mais surtout parce que le jeune homme manquait de sommeil. Cette nuit, comme tant d'autres par le passé,il avait encore fait des cauchemars. Il s'était agité dans son lit pendant de longues minutes avant de se réveiller en sursaut. De justesse, il avait étouffé un cri, l'empêchant de franchir la barrière de ses lèvres. Ça faisait maintenant plusieurs jours que ce même scénario se répétait. Il pouvait rester des longues périodes sans faire de cauchemars, mais il arrivait toujours un temps où son passé finissait par le rattraper et hanter ses rêves...

Il se demandait souvent s'il pourrait un jour ou l'autre passer au delà de tout ça. Il ne se faisait pas d'illusion, il savait qu'il ne pourrait jamais oublier, qu'importe les efforts de sa famille d'adoption et l'affection qu'il recevait de leur part. Il savait au fond de lui qu'il devrait vivre avec ses souvenirs toute sa vie. La seule chose qu'il espérait était de pouvoir vivre avec sans en souffrir. Pouvoir en parler avec calme, exprimer clairement ce qu'il ressentait. Mais il n'y arrivait pas, raison pour laquelle il pouvait paraître si replier sur lui même. Le seul avec qui il pouvait en parler était Ren. Mais depuis le baiser qu'ils avaient échangé, ils avaient pris leur distance l'un par rapport à l'autre. En réalité, il ne savait pas trop quoi en penser, il ne savait plus vraiment ou il en était par rapport à son frère...

Enfin, la sonnerie annonçant la fin du cours sonna comme une délivrance aux oreilles de Ryusuke. Il se redressa d’un bond rapide et sortit de la classe en quatrième vitesse. Tant pis pour les regards étonnés et curieux des autres. Il avait besoin de s’aérer un peu et de reprendre ses esprits. Mais il y aurait certainement trop de bruits dans le réfectoire. Il se décida donc à se rendre aux terrasses du lycée.

Il parcouru donc les couloirs et les escaliers d’un pas rapide. Une fois arrivée à la résidence, sans raison, il attendit quelques secondes avant de pousser la porte qui le mènerait à l’air libre. Enfin sur la terrasse, Ryusuke leva la tête au ciel et respira un grand cou, passer sa journée enfermé n’était vraiment pas une chose que le jeune homme appréciait. Il fit quelque pas la tête en l’air, le ciel était dégagé et une légère brise soufflait. Baissant la tête il s'approcha du bord et s'appuya sur la rambarde. Tandis que ses yeux parcourait la ville, il poussa un soupire. N'aurait-il pas mieux fait d'aller dans sa chambre pour tenter de dormir un peu ?

Il n’avait aucunement besoin de poser son regard sur la personne qui venait de le rejoindre pour savoir de qui il s’agissait. Rare étaient les personnes à venir vers lui aussi spontanément. Surtout lorsqu’il était dans cet état. Généralement, il donnait tellement l’impression de vouloir qu’on le laisse tranquille que les gens le laissaient seul. Ceci dit, il aurait très bien pu se tromper sur la personne qui venait d’arriver sur les terrasses, mais à cette heure-ci, il y avait peu de chance que quelqu’un vienne ici. Ryusuke le savait, c’était principalement pour cette raison qu’il y était venu. Et Ren le connaissait trop bien, il ne lui avait apparemment pas fallu bien longtemps avant de deviner ou il se trouvait.

Mais la présence de son frère à ses côtés le perturbait un peu. Évidemment, il se doutait bien qu’il devait s’inquiéter à son sujet. Comme toujours en fait. Et le savoir près de lui avait de quoi le réconforter mais en même temps, il ne savait pas trop si c’était une bonne idée. A vrai dire, la dernière fois qu’ils s’étaient réellement retrouvé tous les deux, c’était le fameux jour où ils avaient échangé un baiser. C’était un sujet dont ils n’avaient reparlé ni l’un ni l’autre, ils avaient préféré prendre leur distances. Pourtant, cette distance ne plaisait pas à Ryusuke. Il était tellement habitué à avoir Ren à ses côtés que son absence le rendait maussade. Mais en même temps, maintenant qu’il se retrouvait en sa présence, il ne savait pas comment réagir par rapport à ces évènements. C’est pourquoi, il laissa Ren venir sans rien dire. Il le laissait faire le premier pas. De toute façon, il avait toujours été plus doué que lui pour ça.

Ren >> Et bien ? Que se passe-t-il ? On dirait que tu n’es pas en forme et ne me mens pas je le vois rien qu’aux cratères que tu as à la place des cernes.

Comment pourrait-il lui mentir ? Ryusuke n’avait jamais su mentir, encore moins à Ren. Et de toute façon, comme il venait de le lui dire, son visage parlait pour lui. Il poussa un nouveau soupire avant de se tourner vers son frère. Leurs regards se croisèrent et Ryusuke se perdit un moment dans la contemplation des yeux de Ren. Finalement, il lui avait manqué encore plus qu’il ne le croyait.
Comme d’habitude, Ren s’était inquiété pour lui. Et s’il avait pris sur lui pour venir le voir c’est qu’il devait vraiment avoir une tête à faire peur. C’est vrai qu’avec le manque de sommeil, il ne devait pas avoir l’air d’être au mieux de sa forme. Une fois qu’il eut repris ses esprits, il se décida à lui répondre. Éterniser ce silence ne ferait qu’inquiéter son frère encore plus.

Ryusuke >> Je dors mal… Depuis quelques jours je refais des cauchemars… C’est toujours la même chose tu sais…

Bien sûr que Ren savait. Les deux frères ne comptaient même plus les nuits ou Ryusuke avait réveillé Ren en pleine nuit avec ses cris. Leurs chambres chez eux étant voisines, il était inévitable qu’il le réveille. A chaque fois, c’était Ren qui le réconfortait et qui arrivait à lui faire oublier l’espace d’un instant les images de son passé. C’était grâce à lui qu’il arrivait à se rendormir. La seule différence avec le présent était cette distance entre eux et l’absence de son frère près de lui lorsqu’il se réveillait en sursaut après un énième cauchemar.

Ren >> Pourquoi tu n’es pas venu me voir, espèce de crétin sans cervelle !

Ryusuke le regarda un moment sans comprendre. Évidement qu’il aurait voulu aller le voir, mais vu la situation dans laquelle ils se trouvaient, s’était un peu délicat. Leur décision de s’éloigner avait été prise d’un commun accord. Ils ne se l’étaient pas dit directement, mais tous deux avaient évité au maximum les contacts avec l’autre. Au mois, ça avait permis à Ryusuke de prendre conscience d’une chose, il ne se sentait pas bien quand son frère n’était pas là, il avait besoin de lui et d’un côté ça lui faisait peur, pourrait-il le garder à ses côtés toute sa vie ? Il en doutait.
Alors qu’il ouvrait enfin la bouche pour lui répondre, la voix de Ren s’éleva à nouveau, le coupant dans son élan.

Ren >> Tu sais… Enfin, même si, bon bref tu as compris, je suis toujours là quand ça ne va pas… Ca ne change pas que je t’adore et que quand tu n’es pas en forme, quand tu fais des cauchemars, tu peux venir me rejoindre…

Oui, il avait parfaitement compris à quoi il faisait allusion. Mais c’était facile à dire pour lui. Ryusuke n’avait jamais été très doué pour les relations, tout le contraire de Ren. Du coup, c’était évident qu’il ne serait pas retourné vers lui, même s’il n’allait pas bien, même si son frère était la seule personne avec qui il parlait de ses cauchemars. Il ne voulait pas l’ennuyer avec ça. D’autant qu’il savait qu’ils avaient tous les deux besoin de réfléchir à ce qui s’était passé et de mettre leurs sentiments au clair. Et ce n’était certainement pas en retournant vers lui que ça leur faciliterait la tâche. Pourtant il y avait pensé...

Ryusuke >> Je… Enfin, on avait tous les deux besoin de prendre du recul et je… Je ne voulais ni t’inquiéter ni t’embêter encore avec ça… T’avais besoin de réfléchir à ce qui s’est passé et je ne voulais pas en rajouter avec mes cauchemars.

Parfois, il lui arrivait de penser qu’il était un poids pour son frère, comme en ce moment… Ren aurait pu être en train de s’amuser avec ses amis, mais au lieu de ça, il se faisait des soucis pour lui. Les choses ne changeaient pas beaucoup depuis le primaire. Même si Ryusuke se sentait plus heureux depuis qu’il faisait partie de la famille Inoue, ça ne changeait au rien au malaise qu’il ressentait au fond de lui et ça, son frère semblait l’avoir bien compris, raison pour laquelle il s’inquiétait tant pour lui. Ryusuke aurait voulu être capable de lui dire qu’il n’avait pas à s’en faire, que tout allait bien. Mais il ne pouvait pas, ça aurait sonné trop faux dans sa bouche.

Ren >> Ce n’est pas comme si tu le faisais exprès. Je ne suis pas idiot, je sais très bien que c’est indépendamment de ta volonté. Ecoute, pour le recul on verra plus tard enfin on peut… On peut faire une pause, le temps que t’ailles mieux… Savoir que tu n’es pas bien… Je ne suis pas bien…

Ce fut au tour de Ryusuke de pousser un soupir. C’était plus compliqué que ce que semblait le penser son frère. A moins que ce ne soit lui qui complique tout. Mais ça ne changeait rien à l’impression qu’il avait. Il semblait que pour Ren, rien n’était un problème et qu’il arrivait toujours à surmonter les choses avec simplicité. Ryusuke aurait voulu voir les choses de la même façon que lui.
Faire une pause, hein ? Pourquoi seulement une pause ? Et si ça n’était pas ce qu’il voulait lui ? C’était peut-être égoïste de sa part, mais il ne voulait pas de cet éloignement entre eux. Les quelques temps qu’ils avaient passé à s’éviter lui avait fait comprendre qu’il se sentait mal quand il ne voyait pas son frère. Il murmura alors, plus pour lui-même que pour Ren :

Ryusuke >> Tu ne comprends pas…

Mais comment Ren aurait-il pu comprendre s’il ne le lui expliquait pas ?
Son frère se mordit alors la lèvre inférieure, comme s’il réfléchissait à quelque chose. Ryusuke fronça les sourcils.

Ryusuke >> Te mords pas les lèvres, tu vas te blesser !

Ren >> Je me demande parfois si tu continues à te sentir comme un poids ou un truc dans le genre, tel un truc que je trainerai… Si c’est le cas, j’aimerai bien que tu comprennes que ce n’est nullement le cas. Après tout, moi aussi quand je vais mal, je m’accroche à toi, parce que je sais que tu sauras me rendre le sourire et me faire voir les choses autrement en apportant ton point de vue. Alors, c’est normal que ce soit pareil pour moi envers toi… Eto… Enfin voilà…

Un léger sourire s’installa sur le visage de Ryusuke. Son frère le connaissait trop bien. A tel point qu’il se demandait parfois comment il faisait pour savoir exactement à quoi il pensait. Parce que c’était tout à fait ce qui venait de se passer. C’était parfois un peu déstabilisant pour lui de voir à quel point Ren pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert. Mais il fallait bien avouer qu’il était la personne à qui il s’était le plus confier, donc au final, ça n’aurait pas dut l’étonner tant que ça qu’il le connaisse aussi bien.

Ryusuke >> C’est juste que… C’est toujours moi qui ai besoin de toi… Jamais le contraire, alors parfois, je me dis que… je sais pas que peut-être y a des fois ou tu préfèrerais être avec tes amis, ou autre chose. Et puis, pour mes cauchemars, je ne veux pas te réveiller toutes les nuits. Après tu seras aussi fatigué que moi.

Parce que oui en ce moment, c’était toutes les nuits qu’il faisait des cauchemars… D’ailleurs, c’était peut-être un détail qu’il aurait mieux fait de ne pas mentionner. Ça n’allait faire qu’inquiéter Ren encore plus. Et c’était une chose qu’il voulait éviter.

Ren >> Rho mais non, je ne vais pas me blesser, enfin pas là en tout cas, je ne force pas assez pour me faire saigner.

A cette remarque, Ryusuke haussa les épaules. Si Ren était si sûr de lui, il n’avait pas à s’en faire. Et s’il devait se blesser, au moins, il ne pourrait pas dire qu’il ne l’avait pas prévenu.

Ren >> J’ai besoin de toi aussi, ne te prends pas pour le nombril du monde, tu n’es pas le seul à avoir besoin de l’autre.

Honnêtement, il ne voyait pas bien de quoi il parlait. Après tout, depuis qu’ils se connaissaient, Ren n’avait jamais rencontré de problème et ça avait toujours fonctionné de la même manière entre eux. Oh bien sûr qu’ils avaient besoin l’un de l’autre. Mais pas à la même échelle. Pour Ryusuke, l’arrivée de Ren dans sa vie avait été comme une bouée de sauvetage. S’il avait réussi à remonter la pente s’était uniquement grâce à lui. Et quoi que quiconque puisse en dire ou en penser, s’il en était là aujourd’hui c’était bien parce qu’il lui avait tendu la main dans une période de sa vie ou tout allait de travers. Et lui ? Qu’avait-il fait pour Ren ? Il s’était contenté d’être là. Peut-être était-ce simplement se dont Ren avait besoin, mais oui, parfois, il se sentait inutile.

Lorsque le visage de son frère redevînt sérieux, Ryusuke s’attendit au pire. Il savait qu’il n’aurait pas dut lui dire que ces cauchemars l’empêchaient de dormir toutes les nuits. Ou en tout cas, il n’aurait pas dut le lui annoncer de cette façon-là. Amener les choses en douceur aurait été plus judicieux. Là, ça avait été trop brutal. D’ailleurs, la réaction de Ren ne se fit pas attendre.

Ren >> Comment cela, toutes les nuits ? Ryu… Tu es égoiste…

A ces mots, il baissa la tête. Il savait que son frère n’allait pas être ravi par cette nouvelle. Mais il ne s’attendait quand même pas à une réaction dans ce style-là. Avait-il fait une erreur, encore, en le laissant à l’écart ? Ren semblait penser que oui. Ryusuke, lui, ne savait plus quoi en penser, à tel point qu’il ne pensa même pas à réagir tandis que son frère reprenait la parole.

Ren >> Tu es égoiste parce que tu souffres tout seul et que tu me laisses dans l’ignorance, ce qui me fait à mon tour souffrir. Et si on rompait cette chaîne ? Maintenant que je sais cela, je ne peux pas l’oublier. Non mais franchement, tu crois que quoi à la fin ? Tu n’es pas un boulet, tu es Ryusuke, la personne qui compte le plus pour moi, alors s’il te plait, arrête de penser que tu me gênes ou je ne sais quoi encore. S’il le faut, réveille-moi ! Qu’est-ce que j’en ai à faire d’être fatigué, du moment que je suis avec toi quand ça ne va pas…

Ryusuke n’avait pas vu les choses sous cet angle-là. Mais peut-être était-il temps qu’il s’exprime enfin. Après tout, il n’avait jamais rien caché à Ren, alors ce n’était pas aujourd’hui que ça allait commencer. Et tant pis si ce qu’il avait à dire lui coutait, et tant pis si ça n’était pas agréable non plus à entendre.

Ryusuke >> Tu veux que je te dise pourquoi je ne suis pas venu t’en parler ? Au-delà du fait que je ne suis pas un idiot et que j’ai parfaitement compris que t’avais besoin de prendre tes distances avec moi, il y a aussi le fait que cet éloignement m’a permis de comprendre une chose sur nous deux. C’est que même si je le voulais, je ne pourrais pas t’enchaîner à moi pour toujours. Projettes-toi un peu dans l’avenir Ren. On fera quoi dans 10 ou 20 ans ? Toi et moi, on sait très bien que je ferai toujours des cauchemars. Et tu sais très bien aussi que ça fait longtemps que je ne me fait plus d’illusion et que j’ai arrêté d’espérer pour rien. Je ne peux pas te demander d’être là en permanence. Parce que çà ce serait égoïste.

Il laissa un silence passé avant de poussé un soupir et de reprendre :

Ryusuke >> Et si t’en as rien à faire d’être fatigué. Moi pas ! Je pense aussi à toi, et si ne pas vouloir te voir t’écrouler de sommeil, c’est être égoïste, alors oui, je le suis… Mais quand il s’agit de toi, je suis toujours égoïste, je le sais bien…

Ayant enfin fini de lui déballer tout ce qu’il avait sur le cœur, il se détourna de lui, ne voulant pas avoir à croiser son regard. Et ce pour deux bonnes raisons, la première était pour cacher une larme qui lui avait échappée et qu’il ne voulait pas que son frère voit. La deuxième était parce qu’il savait très bien qu’il n’aurait pas la force d’affronter son regard après lui avoir dit tout ça…

Le moins que l’on puisse dire est que Ryusuke fut surpris. Non, il ne s’était pas attendu à ce que Ren vienne l’enlacer. Pas vu la situation dans laquelle ils étaient depuis plusieurs jours. Mais au-delà de la surprise, il se sentit également heureux et soulagé. Pour preuve, tout son corps se détendit, comme si le simple fait de retrouver un peu de proximité avec son frère réussissait à l’apaiser. Cependant, pour que Ren en arrive à agir de la sorte, c’est que ses paroles avaient eu plus d’impact sur lui qu’il ne l’aurait cru. L’avait-il blessé en agissant ainsi, en lui exposant ce qu’il avait sur le cœur ? Pourtant, c’était réellement ce qu’il ressentait. Et s’il ne le lui avait pas dit, ça lui faisait peur. Oui, il avait peur de le perdre.

Ren >> Ryu… S’il te plait, ne me tourne pas le dos… Je… Et ça fait quoi si dans 20 ans on a encore le besoin de se voir, hein ? Et puis tu parles du futur, mais on ne peut rien prévoir, peut-être que d’ici là, tout ira mieux. On aura grandit, on aura murit. Laisse donc nous le temps de vivre le présent sans se préoccuper de l’avenir, sinon on ne vit plus…

Avec douceur, il alla poser ses mains sur celles de Ren qui agrippaient son haut. Il aurait dut se douter qu’il lui répondrait quelque chose comme ça. C’était tout lui ça, de juste vouloir profiter du moment présent sans penser au futur. Mais pouvait-il au moins penser aux craintes que Ryusuke ressentaient ? Sans doute que oui. Après tout, il l’avait toujours mieux compris que quiconque.

Ryusuke >> Ce n’est pas ce que je voulais dire… J’espère bien tu voudras encore me voir dans le futur. Je dis juste que je dois apprendre à gérer mes cauchemars seul. Parce que le jour où on ne vivra plus sous le même toit, je me vois mal débarquer chez toi en pleine nuit.

A ces paroles, il haussa les épaules. Après tout, ça semblait logique non ? Et même si cette idée ne l’enchantait pas, il était persuadé d’avoir raison.

Ren >> On peut… Enfin peut-être recommencer à être ensemble petit à petit ? Être loin de toi, c’est vraiment difficile…

Comment des paroles aussi simples pouvaient-elles faire autant de bien ? Non pas que le fait de savoir que son frère vivait mal leur éloignement le ravisse. Loin de là. Mais c’était surtout le fait qu’il lui demande s’il pouvait recommencer à être ensemble. Même un peu. C’était beaucoup, il le savait, parce que Ren, quoi qu’il en dise n’avait pas encore fini de faire le point sur ce qu’il s’était passé. Mais au moins, il avait fait le premier pas vers lui. Chose que Ryusuke n’aurait pas faite lui-même, il était bien trop timide pour ça, même s’il s’agissait de son frère.

Ryusuke >> Je ne vois même pas pourquoi tu me poses la question… Tu sais bien que c’est aussi difficile pour moi que pour toi.

Et c’était vrai, ne pas avoir Ren près de lui était presque insupportable. Après tout, ils étaient ensemble depuis longtemps, ils avaient grandi ensemble. Ren, c’était un peu comme un repère pour Ryusuke. Et quand il n’était pas là, il était un peu perdu. Savoir que quoi qu’il fasse, il le retrouverait toujours était rassurant. C’était sans doute aussi en partie pour ça qu’il ne se sentait pas bien depuis quelques jours.

Sur le moment, il aurait voulu pouvoir se retourner et le serrer dans ses bras lui aussi. Mais la prise que son frère avait sur lui était si forte qu’il ne pouvait pas vraiment bouger sans le repousser. Du coup, il se contenta de serrer les mains de Ren qui se trouvaient sur son ventre.

Ryusuke >> Tu m’as manqué Ren…

D’un côté, Ryusuke se rendait compte que son frère avait raison, et il pouvait comprendre son point de vue sans trop de mal. Mais son frère pouvait-il vraiment lui reprocher d’avoir des craintes pour l’avenir, d’y penser ? Après tout, sa vie était un tel champ de bataille depuis toujours qu’il était normal qu’il se pose des questions, non ?
Ren étant toujours dans son dos, il ne put que l’écouter parler, sans voir son expression, ce qui avait d’ailleurs quelque chose de perturbant. Pourtant, c’était lui qui lui avait tourné le dos, alors, il ne pouvait faire qu’attendre que son frère le relâche pour pouvoir à nouveau l’avoir face à lui.

Ren >> Mais pourquoi maintenant ? Maintenant qu’on est… Et puis ouais, débarque, t’auras la clef de chez moi >w< Moi, si je ne suis pas bien, je ne pourrai pas venir s’il est 3 heures du matin ? Il faut que je prenne en compte qu’il fait nuit et que t’as une vie ? Mais j’en fais parti de ta vie justement et toi de la mienne ! Rien à foutre qu’il soit 3 heures du matin ou de l’après midi…

Ryusuke ouvrit de grands yeux ronds. A nouveau il se rendit compte qu’il avait dit une connerie. Les paroles de Ren résonnaient dans sa tête tandis qu’il se les répétait en boucle. Pour le coup, il se sentait vraiment stupide. C’était pourtant évident qu’il ne laisserait jamais Ren dehors en pleine nuit s’il n’allait pas bien. Et d’ailleurs, peut importait le moment, jamais il ne le laisserait tomber, il savait qu’il n’en était pas capable.

Ryusuke >> Je ne… Nan, laisses tomber. Bien sûr que tu pourras venir quand tu le voudras si tu ne vas pas bien… Et même si tu vas bien d’ailleurs.

Lorsqu’il lui dit qu’il lui avait manqué, il sentit que Ren le relâchait doucement. Et en quelque secondes, il le vit apparaître dans son champ de vision et se placer face à lui. Le voir sourire le fit sourire à son tour. Ca faisait bien trop longtemps aux yeux de Ryusuke qu’il n’avait plus vu Ren lui sourire. Le retrouver enfin, lui faisait vraiment du bien. La main de Ren vint alors se poser sur sa joue tandis que lui, plongeait son regard dans les yeux de son frère.

Ren >> Toi aussi, tu m’as manqué Ryu, vraiment beaucoup…

Quand Ren baissa la tête, il fut un peu surpris. Depuis quand son frère était-il gêné face à lui ? C’était tellement surprenant qu’il le regarda sans comprendre. D’ailleurs, ça se voyait dans ses yeux qu’il était surpris. Mais lorsque Ren releva la tête, toute trace de gène avait disparu de son visage. Là, il le reconnaissait plus, c’était bel et bien le Ren qu’il connaissait. Et d’ailleurs, la réplique qu’il lui sorti le lui confirma.

Ren >> Ca te dit qu’on sorte ce soir pour fêter ça ?! Alleeeeez Ryuuuu !

Il ne put empêcher un léger rire de franchir la barrière de ses lèvres. Ren oubliait-il qu’il n’était pas un fêtard ? Pourtant, malgré ça et le fait qu’il se sente fatigué, il n’avait pas envie de lui dire non. S’il pouvait passer un peu plus de temps avec lui aujourd’hui, il n’allait pas refuser. Pourtant…

Ryusuke >> Ren… tu sais que faire la fête, c’est ton domaine, pas le mien… Mais… aaaah, comment je pourrais te dire non quand tu me regardes comme ça ?

Ren >> Hai… Mais je comprends ce que tu veux et très franchement, sans langue de bois, je ne crois pas le vouloir en fait… Que tu… n’es plus besoin de moi…

Ryusuke secoua lentement la tête de droite à gauche. Il était en train de découvrir que Ren et lui ressentaient exactement la même chose. Lui-même savait depuis longtemps que jamais il ne pourrait se passer de son frère. Mais savoir que Ren ne voulait pas le voir s’éloigner le rendait heureux. Voir que son frère n’était pas prêt à le laisser partir avait quelque chose de rassurant. Peut-être que cela pourrait être pris pour l’égoïsme de la part de Ren, mais lui, il ne le voyait pas comme ça. Et de toute façon, il n’existait personne qui pourrait prendre sa place, il le savait.

Ryusuke >> Ren… De toute façon, tu es irremplaçable. Alors tu n’as pas à t’en faire pour ça.

Ça pour être irremplaçable, il l’était. Il aurait même pu dire indispensable. Il y avait pas mal réfléchis ces derniers temps. Pour lui, la présence réconfortante de Ren à ses côtés était normale. Savoir que dès qu’il tournait la tête il pouvait rencontrer son regard, c’était normal. Savoir que dès qu’il n’allait pas bien, que quelque chose le perturbait, il verrait Ren arriver vers lui avec son rai inquiet pour lui demande ce qu’il n’allait pas, c’était normale. Il avait toujours considéré que cette situation allait de soi, sans jamais se poser de questions. Mais il avait pris le temps d’y penser sérieusement. Savoir qu’il était incapable de se décoller de son frère, pourquoi ? Cette réponse résidait dans le simple fait qu’il retrouvait en lui une espèce d’équilibre. Aucun d’eux ne pouvait le nier, ils étaient de parfaits opposés. Et c’est certainement pour ça qu’ils ressentaient si fort ce besoin de l’autre. Là où Ren était insouciant et plein de joie de vivre, Ryusuke était plus calme et renfermé. Ren était sociable et spontané, Ryusuke était solitaire et timide. Au contact de son frère, Ryusuke retrouvait ce qui lui manquait. C’était ainsi qu’il voyait les choses, Ren arrivait à contrebalancer ses aspects de sa personnalité.

Ren >> Youpi, youpi, on va sortir ! On ne restera pas tard, c’est promis ^-^ On va se faire un karaoke tous les deux alors ce soir, yatta \o/

Tout cet optimisme… Parfois, Ren lui faisait penser à un enfant. C’en était attendrissant. Comment aurait-il pu ne pas craquer quand il le voyait comme ça. Il comprenait très bien pourquoi son frère était si populaire auprès des autres. Toujours souriant et si enthousiaste, on ne pouvait que l’apprécier pour ça.

Ryusuke >> Mais Reeeeeeeen, je chante comme une casserole !!

Il accompagna ses paroles d’une fausse mine boudeuse. Évidemment, ce n’était pas vrai, Ryusuke était loin de chanter comme une casserole, mais c’était juste dans le but de taquiner un peu son frère qu’il faisait cette remarque.

Ren >> Il faut faire vite ! Sinon il ne restera plus à manger dans le réfectoir ! Haaa je meurs de faim ! Ryuuuu >w< Ryuuu fais quelque chose ! Ryuuuu !

Tandis que son frère le tirait par le bras, il lui tira la langue avant de rigoler.

Ryusuke >> Espèce morfale, tu penses qu’à manger !

Topic terminé